L’article est mort, vive le format liquide !

La 3ème vague de l’info, Netflix média de vieux, un watermark pour les contenus IA

Mediarama
5 min ⋅ 17/09/2025

à ton contact, les contenus deviennent liquides (liquides) - François Defossez v/ DALL·E 3

Par François Defossez, Anouk Renard, Samy Snider et Louis Dumoulin.

Bonjour à tous,

Cyrille Franck nous a quittés pour une belle nouvelle aventure chez Influencia. Je le remercie chaleureusement ici pour son super travail ces dernières années à la tête de la rédaction de la NL Mediarama.
Lourde tâche pour moi de prendre sa suite. Heureusement, je suis bien épaulé !
Laissez-moi vous (re)présenter la fine équipe qui m’accompagne chez
Cosa et pour faire cette news :
- Samy Snider, notre directeur de l’UX chez Cosa, passionné d’IA et d’innovations médias, à son actif plusieurs très belles refontes de sites news ;
- Anouk Renard, la productrice de Mediarama et de tous nos podcasts chez Cosa, elle est aussi la grande orchestratrice de notre cartographie annuelle du podcast
- sans oublier mon vieux complice Louis Dumoulin, directeur de création et associé de Cosa, avec qui j’ai battu il y a des lustres le record du monde (oui, rien que ça) des dossiers financés par le DNI, le regretté fonds Google pour l’innovation dans les médias.

Ensemble, nous allons continuer à défricher les signaux faibles pour vous aider à comprendre les mutations en cours dans notre industrie.

Dans cette édition : les articles se liquéfient, Netflix prend un coup de vieux, et les premiers standards émergent pour distinguer les contenus produits grâce à l’IA.

Bonne lecture,

François


L’essor des formats liquides

[Par François Defossez, Head of media chez Cosa]

Une nouvelle ère s’ouvre dans les rédactions : celle des formats liquides. Propulsés par l’intelligence artificielle, adaptatifs et multimodaux, ces contenus n’ont plus l’article comme unité de référence. Ils se fragmentent, circulent, se recomposent, s’adaptant à chaque support et chaque usage.

Le monopole du texte s’effrite

Lors du Nordic AI in Media Summit 2025, Gard Stero, CEO de VG, le premier quotidien norvégien affirmait sans détour :« l’article va mourir, mais le storytelling lui survivra ».

Pour remplacer l’article comme format étalon, VG évolue vers la création d’unités narratives modulables, capables de circuler dans la recherche générative, et d’être plus facilement traités par les agents IA.
En Suède, SVT et KBLab transforment des heures d’archives audiovisuelles en texte réutilisable, diffusé en sous-titres live ou partagées sur des plateformes comme Hugging Face, facilitant la ré-exploitation du contenu.
De son côté, iTromsø, avec l’outil DJINN, segmente et résume des milliers de documents municipaux, permettant à d’autres rédactions norvégiennes d’alimenter leurs enquêtes avec ces micro-signaux.
Ces exemples illustrent une même logique : les rédactions adoptent des pipelines IA qui atomisent et redistribuent l’information en briques “liquides”, faisant circuler le récit bien au-delà de la page article.

Des formats pensés comme sources adaptatives

Dans cette logique, on pense à l’approche de Particle News aux États-Unis.  L’expérience de lecture « liquide » de la start-up américaine nous promet de “comprendre plus, plus vite”.  Son IA nous aide notamment à décoder les biais partisans d’un ensemble d’articles sur un sujet donné, ou à en lire un bref résumé sourcé en langage simplifié.

Vers un journalisme sur mesure

En permettant aux visiteurs de naviguer entre différents niveaux de profondeur et de formats, Particle illustre aussi l’évolution en cours vers un journalisme sur-mesure.
On pense en France au partenariat du Monde avec Perplexity pour enrichir son moteur de recherche et tester des formats éditoriaux pilotés par l’IA.
Perplexity intègre les contenus du quotidien français pour générer des réponses sur mesure, en échange de quoi Le Monde accède à des technologies lui permettant d’inventer de nouveaux produits d’information personnalisée.
Ce modèle incite les médias internationaux, comme The Independent, Los Angeles Times, ou Der Spiegel,  à rejoindre le « Publishers Program » de Perplexity.

Dans un horizon de personnalisation des news grâce aux outils IA, les journalistes seraient amenés à devenir « ingénieurs de requêtes », concevant des parcours individualisés et s’adaptant à une logique de sobriété éditoriale : il ne s’agit plus de produire plus, mais de produire mieux et plus pertinent.
Les contenus se découpent et s’API-fient, il sont résumés et contextualisés selon les besoins, rendant possible l’accès instantané à l’essentiel. Un lecteur pressé pourra obtenir un flash de trois minutes, tandis qu’un passionné aura accès à un dossier approfondi enrichi de multimédias.

Défis éthiques et technologiques

Cette liquéfaction / personnalisation est une vraie rupture de paradigme. Après la presse imprimée, l’essor d’Internet et des formats multimédias et interactifs, voici l’ère des formats liquides, consommant la rupture entamée avec le format article, l’unité de base du journalisme.
Cette nouvelle ère pose des défis majeurs : elle accentue les clivages informationnels, elle risque aussi de diluer la responsabilité éditoriale : un article a toujours un auteur ; une brique de contenu ap-isée est, elle, plus difficile à tracer. 

Dès lors, le sujet des standards d’authentification est essentiel.

…Parce que cette newsletter est très bien faite, on vous en parle plus bas :-) 

Sources


📊 Les chiffres qui comptent

Un site classé en première position sur Google peut perdre jusqu’à 79 % de son trafic si un Aperçu IA apparaît au-dessus.

Près de 50 % de la Génération Z et 36 % des Millennials préfèrent désormais regarder des vidéos sur les réseaux sociaux plutôt que sur des plateformes de streaming classiques. Netflix en prend un coup : la plateforme devient un média de vieux.


🎧 Podcast Mediarama de la semaine

[Par François Defossez, Head of medias]

En écho à notre sujet de Une, Aurélien Viers analyse avec acuité la fin du texte-roi et l’émergence des formats liquides. Passé notamment par les rédactions en chef du Parisien et de La Provence, Aurélien porte un regard expert sur le basculement en cours. 

Sources : Épisode Mediarama

Actualités médias et plateformes

FranceTV Publicité enrichit sa plateforme historique avec ADspace•ia. Première offre “total vidéo premium” française, elle combine télévision linéaire, CTV et data, et propose des recommandations en temps réel ainsi que de nouveaux indicateurs comme l’attention et l’empreinte carbone.

À Hollywood, Paramount Skydance préparerait une offre de rachat sur Warner Bros Discovery. Une méga-fusion supplémentaire dans une industrie toujours plus concentrée. Que restera-t-il en dehors des géants ? … Des niches ultra-spécialisées ?

Une étude Profound portant sur 680 millions de requêtes montre que les IA conversationnelles comme ChatGPT, Perplexity et Google AI Overviews privilégient massivement Reddit et Wikipédia comme sources, au détriment des médias traditionnels. Les forums et encyclopédies deviennent ainsi les nouvelles autorités aux yeux des modèles d’IA.


Distinguer les contenus générés par IA : le chantier est ouvert

Les labels : séduisants mais limités

Parmi les pistes les plus immédiatement envisagées figure la création de labels spécifiques, permettant de signaler au lecteur qu’un contenu a été produit ou remixé par une IA.
On peut notamment citer l’essor de deux standards internationaux et d’un label : le C2PA (Coalition for Content Provenance and Authenticity), le News Provenance Project et le Journalism Trust.
La Journalism Trust Initiative, portée par RSF, propose une labélisation des pratiques éditoriales et des processus internes, permettant au public d’identifier les médias engagés dans une démarche de transparence et d’éthique.
Le C2PA offre lui un protocole permettant d’ajouter des métadonnées signées et sécurisées à chaque étape de la fabrication et de la diffusion d’un contenu digital, offrant un "historique transparent" consultable par tous.
Le News Provenance Project, initié par le New York Times et IBM, s’intéresse aux principes de vérification des sources, avec pour objectif d’offrir au lectorat une vision claire du contexte, de l’origine et de l’intégrité d’un contenu publié.

Toutes ces approches restent cependant largement tributaire de la bonne volonté des éditeurs, les sites de désinformation n’ayant aucun intérêt à s’y conformer.

Les filigranes techniques : la piste Google

Google développe SynthID, un outil capable d’intégrer un filigrane imperceptible (“watermark”) permettant d'identifier à coup sûr toutes les images, vidéos et sons produits par l’IA.
Deux limites de taille : l’outil est limité aux contenus générés par les IA Google, et il ne fonctionne pas sur le texte, la modification et le partage d’écrits ne permettant pas un marquage fiable.

A (ré)écouter l’épisode de Mediarama avec Christophe Israel sur le sujet

Une bataille culturelle autant que technique

Derrière la quête de traçabilité, c’est la confiance du lecteur qui est en jeu, comme l’illustre le revers essuyé par The Irish Times, piégé par un texte généré par IA et publié sans vérification.
À défaut de normes contraignantes imposées par les états, dont l’adoption universelle semble illusoire, le salut des médias ne peut passer que par l’instauration de bonnes pratiques collectives et l’accompagnement des audiences. 

Sources


C’est tout pour cette semaine ! Portez-vous bien


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Par François Defossez

Head of Média chez Cosa et host du podcast Médiarama.

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