Marsactu : les leçons d'un succès local depuis 10 ans

Le pure-player de la presse locale provençale est toujours là, dix ans après sa création. Comment a-t-il survécu ? Quels conseils tirer de ce succès ?

Mediarama
5 min ⋅ 09/04/2025

©Mars Actu - Anniversaire du 5 avril 2025 - Julien Vinzent et Alix de Crécy

Par Cyrille Frank, François Defossez, Orlane Tonani, Samy Snider.

Bonjour à toutes et à tous,

Cette semaine, on jette un œil attentif et attendri sur Marsactu qui a fêté ses dix ans. Performance remarquable dans un secteur de la presse décroissant, et avec des moyens tout petits ! Quelles leçons peut-on tirer de ce succès ?

On accueille aussi sous un délire d’applaudissements virtuels nos nouveaux lecteurs du Dauphiné, La Presse de la Manche, Libération, Oxygen-RP, Vert, Australie, Bayard… et tous les autres ! Merci pour votre fidélité.

Très bonne lecture :)

[L’équipe Médiarama]


🔎 Marsactu : comment survit-on quand on est petit, dans un secteur concurrentiel, sur un marché étroit ?

[Par Cyrille Frank, directeur de la formation/transformation numérique]

Créé en 2015, Marsactu, le pure-player d’infos locale de Marseille annonce être à l’équilibre dès 2020. Avec 5000 abonnés, l’équipe qui emploie alors sept journalistes, a réussi son pari du payant. C’est le seul site d’information locale à y parvenir. En 2025, ils sont plus dynamiques que jamais. Comment ont-ils fait ?

  1. Nécessité fait loi. La 1e version de Marsactu lancée en 2010 sur un modèle gratuit et financée par la publicité, échoue. Indépendamment du trafic, les annonceurs (souvent institutionnels) ne se bousculent pas sur cette ligne irrévérencieuse. Cinq des sept journalistes reprennent le site en 2015, grâce à un crowdfinding réussi (44.000 € sur 25.000 demandés). Derrière cette aventure, il y avait donc une nécessité : sauver son job.

  2. Bon coaching marketing. En 2017, Médiapart injecte une aide financière plus que bienvenue, en entrant au capital à hauteur de 11%, alors que les associés arrivent au bout de leurs droits Assedics. Mais cet investissement s’accompagne surtout d’un coaching essentiel au développement de Marsactu. Marie-Hélène Smiéjan notamment, leur donne des conseils cruciaux en marketing éditorial et commerce.

  3. Des enquêtes sérieuses ! Mars actu répond à sa promesse et produit des enquêtes qui révèlent régulièrement des scandales et ” ce qu’on veut cacher”. Le site produit peu (2 à 5 papiers par jour), et tâche donc de frapper fort et d’avoir un impact sur la vie de la cité. Il est devenu une ressource pour les associations et citoyens sur certains sujets (trafic de drogue, insalubrité des logements municipaux…)

  4. La pédagogie interne. “La deuxième partie de la décennie a été plus difficile” confie Julien Vinzent, président de Marsactu. Pour garder la motivation et la cohésion, il faut rappeler aux nouveaux entrants pourquoi on fait ou on ne fait pas certaines choses. (Ex: le refus des annonces légales, marché opaque et inique). “Et, le plus important, il faut comprendre le métier de l’autre” insiste Alix de Crécy, directrice du développement et de la diffusion. Pour accepter certains arbitrages et privilégier toujours le collectif.

  5. Le relais des dons. Le bassin d’abonnés payants potentiels reste limité au plan local. Marsactu est arrivé à un plateau autour de 5.000 abonnés. Reste à améliorer le revenu par utilisateur, surtout que la communauté du titre est très fidèle (2.000 sont là depuis plus de trois ans). D’où l’idée de cumuler les deux via un abonnement de soutien à 150 €/ an et des appels aux dons pour les abonnés connectés.

  6. Le pari de la communauté. Depuis 2016 Marsactu a mis la communauté des lecteurs à l’honneur, avec une attention aux commentaires et la publication de blogs citoyens sur ses pages. Par ailleurs, depuis 2023, Marsactu offre un accès illimité depuis un réseau de cafés et centre sociaux.
    Ce, grâce à une bourse européenne de Journalismfund.eu qui vise à vitaliser la démocratie.

Les prochains défis :

  • Travailler son utilité au quotidien. Proposer une analyse et des outils d’évaluation des services publics : écoles, transports, politiques urbaine, etc. Offrir ainsi une information “concernante”, au jour le jour.

  • Améliorer l’interface utilisateur et les tunnels de conversion, mais aussi les outils de production interne. “Il y a une dette technique importante, on aurait du s’y pencher avant” concède Julien. C’est l’objet d’une refonte globale en cours.

  • Miser sur le physique. Le succès de cette journée anniversaire (près de 600 personnes se sont succédé durant ce samedi ensoleillé), montre le potentiel des événements. Alors que la diffusion via les plateformes est de plus en plus dure, garder un lien direct avec le public est crucial.

  • Se diversifier dans l’édition. Décliner les enquêtes sous forme de livres. Pas tant pour générer des revenus, que pour se faire connaître du plus grand nombre. C’est prévu dès la rentrée !

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📊 Les chiffres qui comptent

70% de baisse de trafic en raison de l’IA de Google ?

25 éditeurs américains ont constaté une baisse brutale de leur trafic depuis la mise en place du moteur de réponses de Google fourni par intelligence artificielle (le SGE : Search Generative Experience). La chute de trafic touche la mode, le voyage, bricolage, décoration et cuisine, selon Similarweb, qui a analysé un échantillon de sites web de toutes tailles, dans ces catégories, au cours des deux dernières années.

6,5% d’engagement sur LinkedIn : le meilleur des plateformes sociales

Seulement 1 % des utilisateurs de LinkedIn publient régulièrement, le réseau est donc moins saturé que les autres. D’après Buffer, voici le classement des meilleurs taux d’engagement moyens par réseau :
LinkedIn 6,50 % - Facebook 5,07 % - TikTok 4,86 % - Threads 4,51 % - YouTube 4,41 %
Pinterest 3,46 % - X (Twitter) 2,31 % - Instagram 1,16 %


🎧 Pourquoi Ouest France se lance-t-il dans la TNT ?

Dans cet épisode, François Defossez reçoit pour la seconde fois Fabrice Bazard, Directeur Général de Ouest-France, pour évoquer ce tournant majeur pour le journal : le lancement d’une chaîne TV en septembre 2025.

  • Les chiffres : 240.000 abonnés numériques, objectif 350.000 pour 2027. La publicité essentielle (permet de diminuer le prix du journal de 30 centimes, et 10 centimes de plus, c’est 6000 abonnés de moins.

  • L’objectif publicitaire : moins de volume, plus qualitative, mieux intégrée, plus ciblée (et plus chère). Enjeu majeur de connecter les visiteurs pour récupérer leurs data (et personnaliser leur expérience)

  • Pourquoi la télé ? Être le plus accessible, sur tous les canaux. Sortir de la dépendance à Google (60% du trafic de Ouest France) et rayonner davantage à l’échelle nationale. Rajeunir l’audience en proposant des contenus visuels (exploitables sur les canaux numériques)

👉 Ecoutez le podcast entier


🗞️ Du côté des médias


⭐ La bonne pratique : le bundle presse et divertissement

Le Monde et Télérama proposent des abonnements conjoints au service de streaming, Max, la plateforme de streaming de Warner Bros. Discovery.

Depuis le 3 avril, deux offres sont disponibles sans engagement :

  • Le Monde Essentiel avec Max à 14,99€/mois. Économie : 4€/mois.

  • Télérama Numérique avec Max : 6,99€/mois la 1e année (puis 11,99€).

Le Monde vise 50 000 abonnés supplémentaires par an (600 000 abonnés numériques actuellement) et une augmentation de la “lifetime value” (durée d'abonnement portée de 3,3 à 4 ans). Télérama espère atteindre les 100 000 abonnés numériques d’ici 2027 (actuellement 40 000 digitaux sur les 400 000 abonnés).

👉 A lire dans l’excellente newsletter Le Wrap-up de Christian Riedi
👉 Relire mon vieux billet : “Financement de l’info : le salut viendra du divertissement”


📱 Du côté des plateformes


🤖 Et arriva l’IA…


🔦 Coup de projecteur

Lancement de L'Iceberg, une nouvelle revue trimestrielle de 136 pages, 100% indépendante, sans pub, qui mêle sciences, arts et activisme. Plus de 700 personnes en ont déjà précommandé au moins un en 15 jours !

  • Outiller chaque citoyenne et citoyen en facilitant l’accès aux savoirs scientifiques

  • Lutter contre l’éco-anxiété et la sensation d’isolement en partageant des sources d’inspiration positives et des initiatives créatrices de liens

  • Ouvrir la voie à une écologie désirable et collective

👉 Découvrir et précommander l’iceberg (La glaciologue Heïdi Sevestre est la marraine du 1er numéro)


🕵️ Offres d’emploi


👀 Toujours là ? Quelques mots sur nous, alors…

📍Mediarama fait partie de Cosavostra, cabinet de conseil et agence digitale

📍Mediarama est leader en France dans son activité de conseil pour les médias avec plus de 100 médias accompagnés sur plus de 140 projets.

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Mediarama

Par François Defossez

Head of Média chez Cosa et host du podcast Médiarama.

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